Pour quelle raison préférez-vous les objectifs à focale fixe aux zooms ?
« Précisément pour ce que Robert Capa a dit, « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c'est que vous n'êtes pas assez près ». Ce qui compte pour moi, ce n'est pas la distance physique, mais la distance émotionnelle. Vous ne pouvez pas établir de proximité émotionnelle avec un objectif long. Un zoom ne vous incite pas à vous rapprocher des gens, et vous ne réalisez pas des prises de vue à 35 mm, mais vous pouvez le faire à 38 mm ou 42 mm. Cela ne vous permet pas de créer de l'empathie avec les sujets que vous photographiez, et vos yeux n'apprendront jamais à voir à 35 mm. »
Vous avez exposé votre travail dans des endroits incroyables, notamment des églises. Dans quelle mesure est-il important pour vous d'exposer vos photos ?
« Ce que je souhaite avant tout, c'est les partager. Lorsque vous couvrez des conflits et que personne ne voit vos photos, vous vous interrogez sur la raison pour laquelle vous risquez votre vie en étant là. Je suis profondément attaché à présenter des images, à la fois dans les journaux et les magazines, mais également dans des expositions. Que ce soit dans des musées, des galeries ou des lieux facilement accessibles au public, y compris dans la rue, je collabore toujours avec les directeurs artistiques pour organiser mes expositions de manière à favoriser les échanges entre le public et mes images. »
Qu'est-ce qui vous inspire sur le plan visuel et créatif ?
« La photographie est l'art d'utiliser la lumière. En tant que photographes, nous sommes, en quelque sorte, les nouveaux peintres. Par conséquent, si j'ai besoin d'inspiration, je regarde les œuvres du Caravage, de Titien et de nombreux peintres italiens de la Renaissance et de la Haute Renaissance. Je suis plus habitué à regarder des tableaux que des photos, car c'est cette réalité, l'utilisation de la lumière et la construction de l'image qui m'inspirent. Si vous regardez « Les Mangeurs de pommes de terre » de Vincent van Gogh, vous remarquerez une composition parfaite, avec différentes couches et une atmosphère intime créée par la lumière. C'est ça la photographie. »
Comment décidez-vous à quel moment utiliser la couleur par rapport au noir et blanc, comme dans votre projet à long terme sur la crise des réfugiés, intitulé « The Dream » ?
« Je travaille principalement pour des plateformes éditoriales. La majorité de mes productions sont donc en couleur, car leurs publications se font principalement en couleur pour renforcer la sensation de réalité. Mais, lorsque je m'engage sur des projets à long terme ou des documentaires, je choisis volontairement le noir et blanc. J'ai travaillé sur « The Dream » pendant plus de sept ans dans plus de 12 pays, dont la Syrie, la Libye, l'Égypte, l'Irak, l'Italie et la France, en capturant des moments et des atmosphères différents. D'un côté, je réalisais des missions éditoriales en couvrant des conflits, et de l'autre, je documentais les conséquences, à savoir les populations de réfugiés qui arrivaient en Europe. Dans ce cas, le noir et blanc m'a aidé à travailler sur l'histoire à un autre niveau et à unifier mon travail. »
Cherchez-vous à prendre des photos emblématiques ou à construire des récits à travers une série de travaux ?
« Plutôt que de m'attacher à des photos individuelles, je préfère me concentrer sur la narration et les histoires. La manière dont vous éditez vos images est incroyablement importante de nos jours. Imaginez un photographe qui prend 3000 clichés et doit sélectionner les 15 meilleurs. S'il ne dispose d'aucune compétence en matière d'édition, il risque de devenir médiocre. Mais celui qui est en mesure de choisir les meilleures photos peut devenir exceptionnel. J'ai vu de nombreux photographes talentueux qui avaient du mal avec l'édition. Malgré l'importance de leurs récits, ils ont eu moins d'impact et il n'a pas été facile pour eux de trouver des magazines et des plateformes qui présentent leur travail. Je recommande vivement à la jeune génération de perfectionner ses compétences en matière d'édition. Je suis convaincu que la manière dont vous racontez l'histoire est plus cruciale que de capturer une seule image exceptionnelle. Parfois, vous devez « sacrifier » votre meilleure photo pour traduire l'essence de votre récit et de votre reportage. »